ou le luxe d'avoir 2 portes chez soi
Mes petits poulets fris, ça fait longtemps. Comme teasé la dernière fois, beaucoup de choses ont changé. Commençons par nulle part, comme d'habitude:
Je sais que tu te sens un peu trahi, parce que tu n'as pas suivi l'épisode Chat ou Pacha, même si on est Félin Pour l'Autre. Voilà, tu es dans l'ambiance, on peut commencer. Le fameux vendredi après-midi où je suis allée chercher "un chat" à la SPCA de Montréal, autant te dire que j'étais pas fière. Armée de ma grande cage de transport (merci à mon ange gardien cyclonien), j'ai donc pris les deux métros me séparant de THE place. C'est avec l'assurance d'un tapis que je suis donc entrée dans la zone réservée aux chats (et aux perruches et aux cochons d'inde...?), une pièce relativement petite, même si n'ayant jamais mis les pieds dans une SPA, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Moins de vingt cages plutôt spacieuses (dont un bon tiers vide) présentent des félins de tous âges et de toutes situations. Des vieux matous en situation de "sauvetage" ou de "fin de vie", de jeunes chats retrouvés dans des situations douteuses (c'est pas comme s'il nous restait un peu de foi en l'humanité, de toute façon), ou des chats tout simplement abandonnés (la base, voyons!). Dans le lot des abandons, beaucoup de chatons étaient présents pour l'adoption (la majorité des chats ce jour-là, en fait). Beaucoup étaient déjà réservés, et attendaient leur future famille.
Dans les 4 cages du milieu se trouvaient une cage vide, un petit chaton noir et blanc, une chatte d'1 an toute grise, et un autre petit chaton endormi, au poil soyeux tout gris. Aprùs avoir fait le tour des cages et m'être demandé environ 41 fois si je repartais en courant ou pas, j'ai demandé à en savoir un peu plus sur la dénommée "Flore", le petit chaton gris complètement endormi qui entrouvre parfois un oeil boudeur. Après avoir rempli un document qui ne servira à personne et qui n'a été lu par personne le jour J (demandant si je veux un chat plutôt vif, calin, social, brun aux yeux bleu, bélier ascendant gémeaux, titutlaire d'un doctorat en sciences anthropologiques et jouant de la flûte le dimanche KESKON S'EN FOUT ET DE TOUTE FACON T'EN SAIS RIEN, C'EST UN CHATON, BORDEL). La petite Flore a passé un mois en famille d'accueil pour assurer son sevrage, avant d'arriver, seulement 2 jours plus tôt, à la SPCA. A son arrivée elle a également été stérilisée, ce qui explique sa cicatrice sur le ventre.
Après avoir établi que je n'étais pas une énième connasse souhaitant prendre un chat pour 2 mois, la dame me propose de la prendre dans mes bras. Ah non, quelqu'un vient de l'emmener pour lui nettoyer les yeux. Attente. Gêne. Remise en question. Est-ce que j'en suis vraiment capable? Est-ce que je le veux vraiment? Au fond, j'aime ma liberté, le fait de pouvoir partir du jour au lendemain sans rendre de compte à personne. Oui mais j'ai besoin d'avoir une ancre, justement. Oui mais... oui mais... Bon, regardons le dossier de la chatte grise qui était dans la cage du haut. Je ne me rappelle même plus son nom. En revanche, je me rappelle d'avoir entraperçu son rapport d'arrivée à la SPCA, quelques semaines plus tôt. "A été retrouvé enfermé dans un sac poubelle devant la porte d'entrée". "Propriétaire n'en veut plus car chat ayant déféqué sur le canapé." Mon petit coeur s'est serré très fort. J'aurais aimé lui apporter le foyer chat-leureux qu'elle n'a pas eu et réparer les traumatismes qu'elle a visiblement déjà subit malgré son jeune âge. Mais adopter un chat abusé demande malheureusement du temps et de l'expertise que je n'ai pas encore. Flore revient dans les bras d'une bénévole, enroulée dans une serviette pour qu'elle ne bouge pas trop. Je prends maladroitement la serviette. Je n'ai jamais tenu de chat dans mes bras de ma vie. Avant d'entrer dans cette pièce, je n'avais jamais vu de véritable chaton non plus. Comment vous dire à quel point je me suis sentie niaiseuse? Je pense que mon état de bluff était semblable à celui d'un entretien d'école de commerce : oh oui oui, tu t'y connais, tu as déjà de l'expérience, oui oui, aucun problème, je suis le symbole même de la confiance en soi. PANTOUTE, comme on dit ici. Mais je la tiens quand même. Elle tente de sortir de la serviette. Je reste calme. La bénévole la reprend. Je réfléchis, les bras ballants devant la cage. Beaucoup de gens rentrent dans la pièce surpeuplée pour voir les cages. J'attends donc que la dame qui s'est occupée de moi soit disponible. Mais tant qu'elle n'est pas là, je peux encore partir. Tout arrêter. Et si le chaton n'est pas propre? Si il détruit l'appartement? S'il me déteste? Je n'ai qu'à prendre la cage de transport et sortir. Non. La dame revient. Oui, bien sûr que je la prends. Formidable, s'écrit-elle. Tu m'étonnes. Elle place un petit carton "Réservé" sur la cage et m'accompagne dans le hall d'entrée, où je dois faire la queue pour faire le dossier. 3 personnes attendent devant moi, c'est beaucoup, par rapport à d'habitude. La journée présente un record d'adoption, ils en sont déjà à 13. Trois personnes devant moi, environ 40 minutes d'attente. La torture mentale recommence. Mince, j'ai laissé la cage de transport là-haut. Si je veux partir, il faut que je remonte... et que je redescende... et que je sorte. Non. Ne sois pas bête. Tu peux le faire. Tu en as envie. Tu es là pour ça. Tout le monde est au courant. Mais et si...? Non. Tais-toi. Repère les croquettes et ferme-la. Tous les défis font peur, ça ne veut pas dire que la peur est légitime.
Le moment fatidique arrive enfin: signatures et tout le tintouin. Je n'ai plus qu'à aller la chercher en haut. J'y retourne, me sentant soudain très bizarre. La vraie trouille commence et l'estomac me chatouille désagréablement. J'ouvre la cage, Flore est placée dedans, la trombine encore toute enfarinée. On me félicite. Merci... ? Je redescends tout doucement. Je sens déjà son poids qui se déplace dans la cage au fur et à mesure qu'elle prend conscience de cet espace. Elle miaule. Toutes les personnes faisant la queue se retournent avec un "Aaawwww" d'adoration. Hé oui, c'est mon bébé. Fierté et contentement pointent peu à peu le bout de leur nez. C'est un beau défi que d'aimer, alors avance.
Je sors de la SPCA. Métro, changement, métro, marche. Elle miaule régulièrement, m'attirant les coups d'oeils curieux des voyageurs. Pendant tout le trajet, des vagues d'émotions m'assaillent : je réfléchis à toute vitesse à tout ce qu'elle doit ressentir. Peur, solitude, incompréhension des bruits, des odeurs, inconfort des mouvements, peur de la situation. Pardon de t'infliger ça, c'est bientôt fini, promis. Mes bras se découvrent des forces insoupçonnées: malgré la douleur de porter la cage en minimisant les secousses, j'accélère. Plus vite je rentre; plus vite ce sera fini. Alors qu'en fait, ça ne fait que commencer.
Je rentre enfin chez Cathy. J'ai lavé l'appartement avant de partir, mis en place la litière, les gamelles, l'arbre à chat. J'ai passé ma matinée à lire sur l'adoption d'un chaton. Je ferme donc toutes les portes et place la cage encore fermée dans la pièce principale où se trouvent se dont elle aura besoin (litière et nourriture), la cuisine. Les miaulements se sont arrêtés. J'ouvre doucement la porte et vais m'assoir en tailleur par terre, un peu plus loin. Elle sort rapidement et tatonne un peu partout pour trouver une cachette. Elle ne semble pas apeurée, juste très curieuse. Cela m'étonne, mais tant mieux. Je lui parle doucement, pour qu'elle s'habitude à ma voix. Elle repère rapidement les croquettes, l'eau et la litière. Je prie intérieurement pour qu'elle en comprenne l'utilisation. J'avais pris le temps d'observer les cages à la SPCA, pour repérer les chatons qui semblaient propres de ceux qui ne le semblaient pas. Elle renifle tout et gambade. Quelques minutes plus tard, elle se rapproche de moi. Je lève un bras pour la caresser, elle s'écarte. Elle roucoule. Le bruit le plus adorable du monde. Je comprends qu'elle n'a pas peur, mais qu'en bon chat qui se respecte, elle viendra quand elle et elle seule l'aura decidé. En effet, quelques secondes plus tard, ses cercles se rétrécissent et je deviens son nouveau terrain de jeu. Ce n'est pas mon chaton. C'est moi qui suit son humain. Après quelques caresses, elle se faufile entre mes jambes, s'allonge, et nous partageons notre première séance de papouilles. Ce lien de tendresse dure maintenant depuis presque 2 mois. Flore est désormais Kaïwenn, reine de mon coeur et maîtresse officielle de mon nouveau chez-moi. Hormis mener la vie dure à mes pots de fleurs #DéjàDeuxMorts, Kaïwenn est la chatte parfaite. Tantôt complètement fofolle, tantôt absolument câline, à l'image de son humain.
En exclusivité mondiale, voici la toute première photo que j'ai prise de Kaïwenn, le coeur complètement barge et les mains tremblantes (comme tu pourras en attester par la qualité professionnelle de l'image):
Et toujours en exclusivité mondiale, voici la toute dernière photo (tu peux aussi avoir un aperçu du coin cocoon que je suis en train d'aménager):
Bon, ça, c'était pour Kaïwenn. Maintenant, le reste: j'ai déménagé! Tu l'avais sûrement déjà compris avant, mais bon. Beaucoup de premières fois se déclenchent donc pour moi ces temps-ci. Premier animal, premier emploi (période d'essai achevée chez Cyclone!), première carte de visite (tu veux mon 06 wesheuh?), et premier appartement. Un vrai appartement, je veux dire. Avec deux éviers dans la cuisine, un canapé ET un lit, une chambre AVEC UNE PORTE. J'te raconte pas le luxe après avoir toujours vécu dans des cocons-studios. D'ailleurs, parlons-en du lit et du canapé... parce qu'ici, c'était un non-meublé hein. Ca aussi, c'était une première.
Bref, certaines d'entre vous on eu le privilège immense de me soutenir à distance pendant le montage intensif des meubles Ikea (première fois également!). Mais le résultat est que je peux accueillir au moins 3 glandus d'entre vous ici. Ca valait l'emmerdement.
Je te ferai un tour de la déco plus tard, elle est toujours en cours! Ca fait 3 semaines que je suis officiellement chez moi, et c'est le paradis, je te le cache pas. Sans déconner. J'ai même une terrasse où j'ai mis un transat de mamie. Le pied.
Je pense que le pire dans tous ces changements, c'est que mon four est en train de m'apprivoiser. Ca aussi, c'est la première fois que j'en ai un! Du coup j'ai commis l'exploit d'acheter de la farine pour la première fois de ma vie, et de faire des cookies. Bon, la première recette (dosages français) est râtée, mais la fierté et le beurre y sont, c'est le principal. La seconde recette est clairement sur la bonne voie, et ce ne sont pas mes collègues qui testent mes essais tous les lundis qui diront le contraire!
Je sais, c'est terrible. Ils sont bien loin les articles sur les vadrouilles sauvages en forêt canadienne. J'en suis à te montrer un chat, des meubles ikéas et des cookies. Damn. Mais c'est ça aussi qu'il se passe quand le Kouign-Amann rencontre le Sirop d'Erable...